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CIRAM propose des datations carbone 14 pour les biopolymères
20 octobre 2022
Le carbone 14 au service de l’industrie
CIRAM propose depuis 2005 des analyses permettant de dater et d’authentifier des œuvres d’art, du patrimoine et de l’archéologie. Une des méthodes la plus couramment utilisée est la datation carbone 14 ou radiocarbone. Toutefois, cette technique permet également de quantifier la fraction du carbone biogénique vs carbone fossile pour les produits industriels. CIRAM est un laboratoire situé près de Bordeaux sur la technopole Montesquieu à Martillac. CIRAM est une PME 100% privée, indépendante et innovante.
Les produits biosourcés sont de plus en plus présents dans la production industrielle et ce dans de nombreux domaines, comme les biocarburants, les biopolymères, les détergents, les peintures, les matériaux de construction… Toutefois, il n’existe aujourd’hui pas de réelle réglementation concernant les teneurs minimum de produits biosourcés.
La seule exception est la législation européenne sur les sac plastiques qui doivent contenir au moins 50% de carbone biosourcé depuis 2020 et 60% à partir de 2025. Dans de nombreux secteurs, le déclaratif volontaire (mass balance) et/ou l’analyse du cycle de vie demeurent les pratiques les plus répandues. Il s’avère donc important et urgent d’utiliser une méthode quantitative fiable, objective et rapide permettant de qualifier et de quantifier la part biosourcée des matériaux industriels. Celle-ci permettrait de limiter les fraudes, de vérifier les matières premières et les produits finis, mais également d’analyser des produits en cours de développement, de la R&D à la certification des produits finis. La chimie des polymères est aujourd’hui à la pointe des avancées technologiques dans le secteur des produits biosourcés. Différents organismes certificateurs (TUV AUSTRIA et DIN Geprüft) et normes internationales recommandent (ISO 16620-2:2019 et ASTM D6866‑21) l’utilisation de l’analyse radiocarbone ou carbone 14 pour qualifier, quantifier, classifier et certifier les biopolymères.
Les biopolymères contiennent principalement du carbone, de l’hydrogène et de l’oxygène qui peuvent être quantifiés à l’aide de diverses méthodes analytiques courantes. Cependant, les biomatériaux, fabriqués à partir de la biomasse, sont impossibles à distinguer moléculairement des matériaux pétrosourcés. L’analyse au radiocarbone (datation carbone 14) est la méthode de quantification la plus fiable pour cette problématique. L’isotope 14C à une demi-vie de 5730 ans. C’est-à-dire qu’après une période (ou une demi-vie), sa concentration est divisée par deux. Au bout de 10 périodes, l’isotope 14C a complètement disparu, comme le montre la courbe de désintégration du carbone 14 (Fig. 1).
Le pétrole provient de la décomposition de matières organiques sur des millions d’années, il est donc essentiellement composé de carbone. Toutefois, il ne contient plus de 14C, car celui-ci a totalement disparu. On dira que son réservoir de 14C est vide et qu’il ne contient que du carbone « ancien ». A contrario, la biomasse actuelle (céréales, déchets organiques, algues…) a un réservoir de 14C plein ; elle ne contient que du carbone « moderne ». L’analyse du radiocarbone fait la distinction entre le carbone biosourcé (moderne) et le carbone fossile (ancien) en mesurant le rapport des isotopes 14C, 13C et 12C dans un échantillon. Bien que la proportion du 14C soit très faible (1 atome de 14C pour 1012 atomes de 12C), il est tout même présent dans toutes les molécules contenant du carbone « moderne ».
Figure 1 : Courbe de désintégration du carbone 14
L’analyse au radiocarbone comprend différentes étapes. La première étape de ce processus est la mesure de la teneur en carbone total de l’échantillon. Elle est réalisée à l’aide d’un analyseur élémentaire, dédié à la mesure du carbone et de l’azote. La teneur en carbone biosourcé par rapport à la teneur totale en carbone peut être exprimée ainsi :
REF est la valeur de référence, exprimée en pMC, du carbone biosourcé à 100 % de la biomasse dont l’échantillon est constitué. En fonction de la date de l’analyse et de la nature de la biomasse dont l’échantillon est constitué, la valeur de REF peut varier. La valeur de référence est fondée sur les mesurages du CO2 dans l’air dans une zone rurale aux Pays-Bas (Lutjewad, Groningen), réalisés par le CIO (Centre for Isotope Research, université de Groningen). Pour calculer la teneur en carbone biosourcé, une teneur en 14C de 100/0,98 pMC par gramme de carbone est considérée comme teneur en carbone biosourcé à 100 % pour la biomasse qui s’est développée au cours de l’année 2015. La REF en 2022 est à 100 PMC pour une teneur en carbone biosourcé à 100%. Si le composé a été fabriqué à partir de papier ou de bois, la REF est à 112 pMC pour une teneur en carbone biosourcé à 100%. Le 14C généré au cours des essais nucléaires atmosphériques, débutés aux alentours de 1955 et achevés en 1962, a fait augmenter le niveau de 14C atmosphérique jusqu’à 200 pMC en 1962, avec un déclin à 102 pMC en 2015 et 100 en 2022.
Le système accélérateur de particules – spectromètre de masse (AMS) permet de mesurer les isotopes du carbone 12C, 13C et 14C d’un échantillon de carbone. Les rapports isotopiques de 14C/12C et 13C/12C sont déterminés par rapport au matériau de référence. Toutes les valeurs de pourcentage de carbone moderne (pMC) obtenues à partir des mesurages d’analyse au radiocarbone doivent être corrigées du fractionnement isotopique à l’aide de données d’isotopes stables (rapports 13C/12C) obtenues sur du CO2 provenant de la combustion de l’échantillon. Le fractionnement isotopiques (des isotopes stables du carbone 13 et du carbone 12) correspond à la fluctuation dans le rapport des isotopes du fait des processus biochimiques. Ces variations sont indépendantes du temps et de la décroissance radioactive naturelle. La précision des mesures en AMS est de 0,3 à 0,5% en absolu pMC et la limite de détection vers 0,3% de pMC.
Il est important de rappeler que la mesure du 14C est réalisée par rapport au carbone total de l’échantillon. Si l’on mélange 50g d’un produit 100% biosourcé avec 50g d’un produit 0% biosourcé, la mesure du pMC (% de carbone biosourcé) ne sera vraisemblablement pas 50%. En effet, le nombre d’atomes de carbone (% massique de C) n’est pas l’équivalent d’une molécule à un autre. A titre d’exemple, le % massique du carbone dans l’éthanol est de 52,2, quand il est de 92,3 dans le styrène. L’implication du styrène sera donc presque deux fois plus élevée que celle de l’éthanol dans la valeur du pMC mesuré. C’est pourquoi la méthode au radiocarbone est simple d’utilisation, mais attention aux raccourcis. Par ailleurs, l’évaporation de certains composés volatiles pendant la synthèse ou la fabrication des biopolymères peut être une source de divergence entre les valeurs attendues et la teneur en carbone biosourcé mesurée sur le produit fini. Bien que la méthode au radiocarbone fonctionne « à l’aveugle », c’est-à-dire sans que l’on ait besoin de connaitre la composition chimique de l’échantillon, il apparaît intéressant et constructif d’avoir un échange préalable, afin de bien comprendre la problématique de l’industriel et d’exposer les bénéfices et les contraintes des techniques analytiques.
En résumé, l’utilisation du radiocarbone pour la caractérisation des biopolymères est très pertinente, fiable et précise. De plus cette méthode fonctionne sur tous les types de matrice (liquide, solide, gel), sans qu’il n’y ait besoin d’en connaître la composition chimique. Par ailleurs, nous pouvons utiliser le radiocarbone à tous les stades des procédés industriels : de la R&D au produit fini, en passant par le sourcing, l’optimisation des protocoles, la validation des différents traitements ou pour l’obtention d’un label. Enfin, l’industrie des polymères en général semble être à la recherche d’une solution analytique qui permettrait de qualifier et de quantifier la part de plastique recyclé par rapport au plastique « vierge ». Des premières études, associant l’analyse isotopique et le radiocarbone, pourraient être une piste de développement et une solution analytique à cette nouvelle problématique.